Son père lui avait souvent dis qu’il fallait parfois partir des bas-fonds pour en arriver aux hautes sphères, qu’il fallait partir de moins de zéro pour toucher les sommets, que les plus grands avaient étés petits un jour ou l’autre, et, malgré tout le dégout que lui inspirait le personnage de cet homme désormais, elle espérait qu’il ait raison. Assise à demi sur un tabouret poisseux elle observe d’un regard perçant les hommes et les femmes qui déambulent autours d’elle. Elle ne se sent pas à sa place et quiconque serait entré à ce moment même dans le bar aurait surement eu la même impression, trop propre sur elle pour cet endroit répugnant, apparaissant surement trop innocente pour cette bande buvant et riant d’un rire gras à côté d’elle, elle dénotait bien trop avec l’ambiance qui régnait dans ce QG de pacotille. Une meute de pacotille, voilà ce qu’ils étaient, une bande de vieux loups solitaires s’étant regroupés car c’était bien plus facile, s’étant regroupés pour ne pas être seuls face au Lord, pour avoir plus de force si jamais ils devaient en user… Aucune organisation, aucune règle, à part celle du plus fort, du plus sage, ils seraient certainement balayés comme des grains de poussières si jamais la guerre venait à les toucher. Ils seraient balayés d’un revers de main et si elle n’avait que faire de voir tous ces gens vivants ou morts elle refusait de laisser tous ces loups se faire massacrer, elle avait besoin d’eux d’une certaine manière, elle avait besoin d’une armée, et ils étaient tous utiles à leur manière… S’ils n’étaient pas les plus forts, les plus intelligents, ils restaient nombreux, et capable de faire pencher la balance en sa faveur un jour où l’autre, alors, elle prendrait son mal en patience, supportant sans broncher les relents d’alcool, les réflexions plus ou moins acceptables, plus ou moins détestables, des plus machos de la meute et surtout d’être considérée comme une enfant faible et fragile. Parmi tout ce qu’elle devait supporter, c’était sans doute le pire, parce qu’elle n’était plus une enfant depuis longtemps, parce qu’elle était aussi peu fragile que la plus part d’entre eux, et surtout parce qu’elle avait des plans pour eux qu’ils n’auraient jamais pu imaginer dans leurs rêves de grandeur les plus fous. Elle prenait son mal en patience, elle plaçait ses pions petit à petit, sans trop pousser, sans éveiller l’attention de quiconque, passant seulement pour une jeunette désireuse de bien faire pour se faire une petite place, ils étaient si naïfs… Bientôt, il serait temps pour elle de révéler ses ambitions au grand jour, mais à ce moment-là, ils ne pourraient déjà plus se défiler, le piège se sera déjà refermé sur eux, les empêchant d’opposer quelconque résistance, les empêchant de douter une seule seconde en son plan et en ses capacités à les mener au pouvoir, ou plutôt en leur capacités de la mener, elle, au pouvoir. Elle les aiderait d’une certaine manière mais elle avait appris à servir ces intérêts avant ceux des autres… Encore une leçon de son cher et tendre paternel. C’était fou comme il avait toujours réussis à s’immiscer dans ses pensées sans même lui adresser un traitre mot, un seul regard, sans même venir la voir une seule fois alors qu’elle était enfermée dans cette froide bâtisse au milieu de nulle part.


Elle soupira, peu désireuse de repenser à cette période de sa vie où elle avait tant de fois regretté d’avoir été mordue. C’était du passé car désormais elle ne regrettait plus rien, si ce n’est d’avoir gâché toutes ces années à se morfondre sur son sort. Elle avait redressé la tête depuis, et tout allait bien mieux depuis qu’elle s’était totalement acceptée en tant que lycanthrope. Un mouvement à sa gauche attira son attention alors que la porte se referma à la suite de l’entrée d’un jeune homme. L’espace de quelques secondes elle avait pu sentir les rayons de la lune, presque pleine, caresser son épiderme, la laissant frémissante d’excitation. Elle comptait depuis plus d’une semaine les heures qui la séparaient de la pleine lune et de la prochaine nuit, bien trop courte comme toujours, durant laquelle elle foulerait sous sa forme animale le sol glacé de la forêt, où elle sentirait les épines des pins craquer sous son poids et l’odeur de la peur emplir ses narines, elle espérait qu’une inconsciente personne traine un peu trop tard dans les bois, qu’elle se perde et tombe entre ses griffes, la chasse, elle attendait surtout cela… La chasse à l’homme surtout, c’était bien plus agréable que de chasser une biche égarée… Laissant glisser sa langue sur ses lèvres, impatiente, elle darda sur regard sur l’homme qui était entré, laissant échapper un léger sourire en le reconnaissant. Attirant un nouveau tabouret vers elle le tapota doucement de la main avant de l’interpeller : « Remus ! Viens donc t’assoir près de moi, je commençais à me dire que personne n’allait venir me sortir de mon ennui… » Elle lui fit un léger sourire, sans se dépêtre malgré tout de sa froideur habituelle tout droit venue de Russie et retira sa main du siège, s’essuyant du mieux qu’elle le pouvait sur une serviette qui trainait là, cet endroit était vraiment répugnant… Il fallait se dire que ce n’était qu’une question de temps pour que les bas-fonds laissent place aux sommets…